Déficience intellectuelle
et éducation
Le texte suivant reprend une collaboration du service d’orthopédagogie de l’Université de Mons en Belgique au projet «Promosanté Handicap»
Les personnes ayant reçu un diagnostic de déficience intellectuelle ou de retard mental peuvent présenter des niveaux de fonctionnement très différents. Certaines classifications internationales, telles que le DSM IV ou la CIM 10, distinguent d’ailleurs différentes catégories de retard, allant de léger à profond ou sévère. D’autres, comme l’American Association on Intellectual and Developmental Disabilities (AAIDD), ne prennent plus en compte de telles distinctions, mais se centrent sur la notion de soutien nécessaire à la personne pour fonctionner de la manière la plus indépendante possible dans son environnement.
Dans cette perspective, nous nous sommes interrogés sur les spécificités des personnes présentant un retard mental qui pouvaient affecter leur implication dans un projet de promotion de la santé, et sur les moyens éventuels que les outils prévoyaient pour tenir compte de ces caractéristiques.
Les différents aspects qu’il nous a paru essentiel de considérer sont :
– Le mode de compréhension des messages
– Le mode d’expression
– La capacité d’attention et de rétention
– La désirabilité sociale
1. Mode de compréhension des messages
1.1. Le langage oral
D’une manière générale, les personnes présentant une déficience intellectuelle ont un accès relativement faible aux termes abstraits et éprouvent des difficultés à appréhender des messages faisant référence à des concepts, si ceux-ci ne sont pas illustrés par des situations de la vie quotidienne et/ou associés à des repères concrets.
De la même manière, un langage utilisant des phrases longues et un vocabulaire peu courant est peu ou mal compris par la plupart de ces personnes.
Une adaptation du style de communication qui leur est adressé est donc nécessaire et l’utilisation de supports visuels complémentaires, tels que des gestes, des photos ou pictogrammes peut s’avérer indispensable pour certains.
1.2. Le langage écrit
L’accès à la lecture, s’il est possible pour une partie de ce public, présente les mêmes difficultés que la compréhension du langage oral concernant l’abstraction, la complexité et la longueur des messages. Pour certains, seuls quelques mots sont compris, pour d’autres seules les images sont accessibles.
2. Le mode d’expression
Qu’il s’agisse de l’expression orale ou écrite, divers niveaux peuvent se présenter dans un groupe rassemblant des enfants ou des adultes partageant les mêmes activités. Il est donc important de vérifier si l’outil analysé peut répondre aux divers besoins de l’ensemble du groupe, notamment en matière de supports visuels.
Il est important de savoir que le mode d’expression ne correspond pas nécessairement au mode de compréhension : une personne avec une bonne compréhension des messages oraux peut éprouver des difficultés à s’exprimer oralement et peut avoir nécessairement recours à d’autres moyens d’expression, tels que le dessin ou les pictogrammes.
3. La capacité d’attention et de rétention
La déficience intellectuelle est caractérisée par des difficultés de traitement de l’information, accompagnée d’un déficit d’attention et d’une mémoire de travail limitée.
A nouveau, les différences individuelles seront importantes en ce qui concerne la focalisation sur les informations pertinentes, le temps de concentration et la mémorisation à court et moyen terme.
L’analyse des outils devra donc examiner si des stratégies sont prévues pour compenser ces difficultés cognitives par une mise en évidence des informations essentielles, une organisation du temps pertinente, des répétions et/ ou des supports facilitant la rétention.
4. La désirabilité sociale
Beaucoup de personnes présentant une déficience intellectuelle ont le souci de plaire à leur interlocuteur, de ne pas le contredire et ont donc une forte propension à l’acquiescement. Cette disposition en fait généralement des victimes faciles de manipulation. Il est donc important, d’un point de vue éthique, de considérer si les outils pédagogiques ne risquent pas de tomber dans ce travers de la manipulation ou de l’endoctrinement mais veillent à respecter le libre choix des personnes en matière de promotion de la santé.
Monique Deprez – Service d’orthopédagogie de l’Université de Mons (Belgique) – Janvier 2011
5. Références bibliographiques
American psychiatric association (2003). DSM-IV-TR, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, traduction française par J- Guelfi et al., Paris : Masson.
Bucchel, F. & Shaltter (2001). Apprentissages cognitifs. In J.A. Rondal & A. Comblain. Manuel de psychologie des handicaps : sémiologie et principes de remédiation (pp51-73).Bruxelles : Mardaga
Grubar, J.C., Ionescu, S., Magerotte, G. & Salbreux, R. (1992). L’intervention en déficience mentale. Théories et pratiques. Lille : Université Charles De Gaule – Lille III
Hessels-Schlatter, C. (2006). Le développement des compétences dans le raisonnement abstrait chez les personnes présentant un retard mental modéré à sévère. Pédagogie spécialisée, 1, 27-31.
Luckasson R, Borthwick-Duffy S, Buntinx WHE, Coulter DL, Craig EM, Reeve A, Shalock RL, Snell ME, Spitalnik DM, Spreat S, Tassé MJ. 2002. Mental retardation: Definition, classification, and systems of supports. 10th ed. Washington (DC): American Association on Mental Retardation
Organisation Mondiale de la Santé (1993). CIM 10. Genève : OMS